Mis en examen mercredi soir, Nicolas Sarkozy a déclaré aux magistrats avoir perdu l’élection présidentielle de 2012 à cause des accusations de “Kadhafi et ses sbires”.

Nicolas Sarkozy, mis en examen dans l’enquête sur les soupçons de financement libyen de sa campagne électorale de 2007, a déclaré qu’il vivait “l’enfer de la calomnie” depuis 2011, selon sa déclaration faite aux magistrats, publiée jeudi sur le site internet du Figaro.

“Pendant les 24 heures de ma garde à vue, j’ai essayé avec toute la force de conviction qui est la mienne de montrer que les indices graves et concordants qui sont la condition de la mise en examen n’existaient pas (…) Depuis le 11 mars 2011, je vis l’enfer de cette calomnie”, a déclaré l’ancien président de la République.

Nicolas Sarkozy a donc demandé à être placé sous le statut de témoin assisté. Mais il a finalement été mis en examen mercredi soir pour “corruption passive”, “financement illégal de campagne électorale” et “recel de fonds publics libyens”.

Affirmant être accusé “sans aucune preuve matérielle”, Nicolas Sarkozy s’est adressé directement aux magistrats. “Si c’est une manipulation du dictateur Kadhafi ou de sa bande ou des affidés dont Takieddine fait à l’évidence partie, alors je demande aux magistrats que vous êtes de mesurer la profondeur, la gravité, la violence de l’injustice qui me serait faite”.

Sarkozy concentre ses attaques sur les témoignages de Takieddine

La personnalité et les témoignages de Takieddine sont au coeur de la stratégie de défense de l’ancien chef de l’Etat. Selon ce dernier, l’intermédiaire franco-libanais l’accuse sans preuves, soulignant qu'”il est avéré à de multiples reprises qu’il a touché de l’argent de l’État libyen”. “À propos de Takieddine, je voudrais vous rappeler qu’il ne justifie durant cette période 2005-2011 d’aucun rendez-vous avec moi”, a ajouté l’ancien président de la République. Par la suite, “Takieddine a toujours affirmé ne m’avoir jamais remis de liquide jusqu’au mois de novembre 2016, continue Nicolas Sarkozy.

En 2012, Ziad Takieddine avait seulement en effet évoqué un financement libyen. Mais depuis 2016, il affirme avoir remis entre fin 2006 et début 2007 cinq millions d’euros d’argent libyen à celui qui était alors ministre de l’Intérieur, et à son directeur de cabinet Claude Guéant. Mercredi, sur BFM-TV, l’homme d’affaires assure qu'”à chaque fois que je venais au ministère, il y avait un registre officiel avec mon nom et celui de qui je venais voir”.

Toujours selon Nicolas Sarkozy, Ziad Takieddine ment également “lorsqu’il affirme sans aucune preuve qu’il pouvait pénétrer place Beauvau sans justifier du moindre rendez-vous, simplement en déposant son nom. On ne rentre pas place Beauvau sans indiquer avec qui on a rendez vous”.

“Troisième mensonge”, pointe l’ancien président, l’intermédiaire sulfureux se “trompe sur la prétendue description des lieux du ministère de l’Intérieur quand il indique que le bureau de Claude Guéant était au premier étage (…) le bureau du directeur de cabinet a toujours été au rez-de-chaussée”. “Enfin, il indique être passé au ministère de l’Intérieur aux alentours du 27 janvier 2007 précisant qu’il n’avait pas rendez-vous avec Claude Guéant. Mais il n’avait pas non plus rendez-vous avec moi: mon agenda en portera témoignage”, décrit Nicolas Sarkozy.

Et de conclure: “les propos de Monsieur Takieddine ne peuvent en aucun cas constituer des indices graves et concordants”. Sur Twitter, le journaliste de Mediapart Fabrice Arfi a pointé la stratégie de défense de Nicolas Sarkozy qui consisterait à faire croire que “le dossier repose uniquement sur le témoignage de Takieddine”.

De nombreux autres témoignages sont venus en effet appuyer la thèse d’un financement libyen. Concernant le témoignage d’Abdallah Senoussi, ex-chef des services secrets libyens, Nicolas Sarkozy préfère mettre en avant le profil sulfureux de son accusateur, qui n’est “pas un témoin de moralité, s’agissant d’un homme qui a mis en oeuvre l’attentat au DC10 d’UTA (au Niger) qui a coûté la vie à des dizaines de nos compatriotes”. Reste qu’en 2012, Abdallah Senoussi avait déclaré lors d’une audition dans le cadre de poursuites de la Cour pénale internationale avoir “personnellement supervisé” le transfert de cinq millions d’euros “pour la campagne du président Nicolas Sarkozy en 2006-2007”.

Et met en cause la note publiée par Mediapart

Enfin Nicolas Sarkozy s’attaque à la note de Mediapart, “comble de la manipulation”. Dans cette note de Moussa Koussa publiée le 28 avril 2012 par le site d’investigation, l’ex-chef des services de renseignement extérieur de la Libye, affirmait que Tripoli avait accepté de financer pour “50 millions d’euros” la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. D’après ce document, les 50 millions d’euros correspondent à un “accord de principe” lors d’une réunion qui se serait tenue le 6 octobre 2006 en présence de Brice Hortefeux et de l’homme d’affaires Ziad Takieddine.

De quoi fragiliser la ligne de Nicolas Sarkozy qui affirme “qu’entre 2007 et le 10 mars 2011, il n’y aucune espèce d’allusion au prétendu financement de la campagne”. Au sujet de cette note, Nicolas Sarkozy cite un rapport des enquêteurs dans l’instruction menée par le juge d’instruction René Cros qui évoquerait “une forte probabilité pour que le document produit par Mediapart soit un faux”. Toutefois, Nicolas Sarkozy avait porté plainte pour faux et publication de fausses nouvelles, mais l’affaire s’était soldée par un non-lieu en mai 2016. Les juges avaient alors estimé qu'”indépendamment de son contenu”, il n’a pas pu être démontré qu’il s’agit d'”un support fabriqué par montage” ou “altéré par des falsifications”. L’ancien président de la République s’est depuis pourvu en cassation.

Mais ne mentionne pas le mystérieux carnet libyen

Le candidat malheureux à la primaire LR de 2016 ne mentionne pas non plus le carnet de Choukri Ghanem, ancien ministre du Pétrole entre 2006 et 2011, et datant de 2007. Retrouvé mort à Vienne en 2012, il avait écrit dans ce carnet le 29 avril 2007 le compte rendu d’une réunion avec Bachir Saleh, à l’époque directeur de cabinet de Kadhafi. Selon les écrits de Ghanem, Saleh aurait affirmé avoir donné 1,5 millions d’euros au candidat de l’UMP.

L’ancien président estime d’ailleurs avoir “déjà beaucoup payé pour cette affaire”, allant jusqu’à lier ses dernières défaites électorales aux graves accusations le visant. “J’ai perdu l’élection présidentielle de 2012 à 1,5%. La polémique lancée par Kadhafi et ses sbires m’a coûté ce point et demi, avant d’ajouter: “J’ai perdu la primaire (des Républicains) et les déclarations de Ziad Takieddine n’y sont pas pour rien”.

Dans sa ligne de défense, Nicolas Sarkozy met également en avant son rôle dans la chute de Mouammar Kadhafi. “J’ai été le chef de la coalition qui a détruit le système Kadhafi”, tient-il à rappeler, avant d’interroger les enquêteurs. “Croyez vous que si j’avais la moindre chose à me reprocher en la matière j’aurais été assez bête, assez fou pour m’attaquer à celui qui m’aurait à ce point financé”.

Source https://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/soupcons-de-financement-libyen-aucune-preuve-materielle-selon-nicolas-sarkozy_1994356.html

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