L’Express brosse le portrait des six candidats officiels à la succession de Mathieu Gallet, révoqué en janvier. Le lauréat sera connu au plus tard le 14 avril.

Rupture ou continuité? Quelle option choisira le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel pour Radio France? Le CSA a dévoilé ce mercredi 21 mars l’identité des candidats au poste de président de la Maison ronde, en remplacement de Mathieu Gallet. Ce dernier a été révoqué à la fin du mois de janvier après une condamnation pour favoritisme dans l’attribution de marchés publics alors qu’il était président de l’INA.

Sur les six prétendants en course, un seul est issu des rangs de Radio France: Sibyle Veil, directrice déléguée en charge des opérations et des finances, et unique femme en compétition.

Le nom de l’heureux élu sera connu, au plus tard, le 14 avril. D’ici là, certains d’entre eux (leur nom sera révélé le 4 avril) devront se soumettre à l’épreuve des auditions qui se dérouleront du 9 au 13 avril.

Jérôme Batout

Jérôme Batout, 39 ans, possède le profil le plus hétéroclite. Docteur en philosophie et sciences sociales, ce diplômé de Sciences Po et de la London School of Economics est actuellement directeur général de Publicis Media. Il est aussi conseiller à la rédaction de la revue de discussion et d’analyse Le Débat, aux éditions Gallimard.

Plus jeune candidat à la présidence de Radio France, Jérôme Batout ne manque pas pour autant d’expérience: il peut se targuer d’avoir été le directeur de cabinet du président de Publicis, Maurice Levy, ainsi que le secrétaire général administratif adjoint du Parti socialiste de 2006 à 2009, puis le conseiller spécial du Premier ministre Jean-Marc Ayrault en 2013.

“Je pense que je ne suis pas – encore – un homme de radio mais je suis un homme de médias, admet-il à L’Express. Avec mon parcours, je crois avoir acquis quelque expérience dans la direction d’une organisation.” S’il est choisi, Jérôme Batout compte s’appuyer sur un style de présidence “fondé sur une méthode à court et moyen terme, un calendrier, un corpus de valeurs, sur une philosophie. Par rapport aux autres candidats, j’ai mené une carrière très opérationnelle avec le poste que j’occupe chez Publicis Média, mais aussi un itinéraire plus intellectuel, que j’exprime chez Gallimard”.

Le candidat, qui dit s’être passionné pour la réflexion stratégique consacrée à l’avenir de Radio France, se voit bien accompagner le groupe dans tous les “défis majeurs” qui l’attendent. Parmi eux, la réforme de l’audiovisuel public. “C’est important d’anticiper, insiste Jérôme Batout. Et la question ne se pose pas du tout de la même manière quand on a une mission de radio publique, que quand on a des objectifs de radio privée. Il me semble important d’avoir une vision du format de la radio publique à l’horizon 2025 et d’emmener les différentes parties prenantes dans cette transformation.”

Bruno Delport

Contrairement à certains concurrents qui se refusaient à tout commentaire ces dernières semaines, lui, n’a jamais caché ses intentions. Il a même été le premier à postuler à la succession de Mathieu Gallet mi-février. “Candidature déposée”, s’est empressé de tweeter Bruno Delport, le 16 mars, jour de clôture des candidatures. Directeur de la radio TSF Jazz depuis 1999, il a accompagné son message d’une photo du CSA où les prétendants devait déposer leur dossier. Pour espérer être désigné à la tête du paquebot Radio France, Bruno Delport, 53 ans, compte s’appuyer sur sa solide expérience dans le secteur de la radio dans lequel il baigne depuis plus de 35 ans. Ouï FM et Radio Nova sont les deux plus grosses maisons qu’il a dirigées: la première de 1991 à 1997, la seconde de 1998 à 2016, avant le rachat de la station par le banquier Matthieu Pigasse, co-propriétaire du Monde.

Contacté par L’Express, il se dit “serein et enthousiaste”. “Je crois savoir intimement ce qu’est la radio et ce qui fait son sel. Si je ne me sentais pas en capacité d’être un bon président pour Radio France, je n’aurais jamais présenté ma candidature”, confie-t-il, s’estimant “totalement armé” pour endosser ce large costume. L’idée d’une candidature à la tête du groupe radiophonique lui avait traversé l’esprit en 2013 avant finalement de renoncer. Cette fonction de président, Bruno Delport la compare à celle d’un “chef d’orchestre”, dont la mission consiste à “trouver des équilibres”. S’il est désigné, le directeur de TSF Jazz se fixe trois objectifs à atteindre: “Savoir anticiper les grands changements à venir et leur impact sur les contenus, veiller à ce que l’ensemble des antennes travaille avec un cap défini et réussir à mobiliser toutes les forces vives de Radio France pour atteindre ce cap”.

François Desnoyers

Radio France, François Desnoyers connaît bien. Car avant d’intégrer l’agence Publicis et le groupe ESL & Network, ce candidat originaire de Caen était d’abord journaliste. Pour une radio locale en Mayenne en 1982, avant qu’il n’ait “envie de partir” de la Maison ronde quatre ans plus tard, comme il le confie aux Echos il y a quelques années.

Après sa rencontre déterminante avec Jean-Marie Cavada, présentateur de La marche du siècle, il devient son adjoint pendant près d’une décennie, que ce soit au sein de son entreprise audiovisuelle, dans le lancement de France 5, à RFO ou encore à Radio France, quand Cavada, son ami, en devient président en 1998.

François Desnoyers devient alors directeur général délégué en charge de la stratégie et du développement jusqu’en 2004, où il intègre Publicis Events. Quand Jean-Luc Hees est nommé président de Radio France en 2009, François Desnoyers revient à ses premières amours et effectue son retour à la Maison ronde. Il est nommé directeur général délégué aux antennes. Un poste qu’il quitte en 2014 à la fin du mandat de Hees. François Desnoyers, depuis revenu chez Publicis, se voit bien faier un nouveau come back, cette fois en tant que président.

Dans les 47 pages de son projet (tous les programmes des candidats ont été mis en ligne ce mercredi sur le site du CSA), l’ancien journaliste souhaite, entre autres, conquérir des publics plus jeunes, amplifier la puissance des marques de Radio France, et placer la radio publique au plus près des réalités de la société. “Le mandat qui s’ouvre devra être actif et attentif, écrit-il. Actif dans la transformation, l’innovation, l’évolution des métiers, des contenus et de leurs supports, comme dans l’adaptation des structures et des méthodes de travail. Attentif aux questionnements, aux inquiétudes comme aux attentes et aux espoirs. Ce sera la tâche du Président que j’ambitionne de devenir, fort d’une large expérience, d’une réelle empathie pour l’entreprise et d’une conviction inébranlable dans l’utilité, la modernité et l’avenir d’un grand service public audiovisuel dont la radio, et sa relation intime avec ses publics, sera une composante incontournable.”

Guillaume Klossa

Le quatrième candidat, Guillaume Klossa, est un homme profondément tourné vers l’Europe. Fondateur d’un think tank baptisé EuropaNova en 2003 (Cédric Villani, député En marche!, en est le vice-président), ce diplômé de HEC, Sciences Po Paris et de la London School of Economics est un couteau-suisse au parcours étonnant.

Journaliste de 2005 à 2007 lorsqu’il est responsable des programmes télévisés du groupe Bolloré Média, Guillaume Klossa, 45 ans, change de voie quand il devient conseiller de Jean-Pierre Jouyet, alors secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes en 2007. Il intègre ensuite le groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe au Conseil européen présidé par l’ancien Premier ministre espagnol Felipe Gonzalez, avant de devenir vice-président et membre du comité exécutif de McDonald’s France en 2010. Ce businessman averti se passionne, en parallèle, pour l’écriture: il est l’auteur de Europe, la dernière chance (Armand Colin), en 2011, et trois ans plus tard, de l’ouvrage intitulé Une jeunesse européenne (Grasset).

Depuis cinq ans, il est aussi directeur de l’Union européenne de radio-télévision, “la plus grande organisation mondiale en matière de télévision et de radio publique fondée en 1950. C’est l’endroit où l’on invente la radio de demain,” assure-t-il à L’Express. Son expérience “d’initiatives stratégiques transversales visant à transformer le secteur des médias européens” a finalement convaincu Guillaume Klossa de se présenter à la présidence de Radio France. “Je souhaite partir de ses atouts qui sont, pour moi, très nombreux, que ce soit ses auditeurs, ses partenaires, ses soutiens. J’aimerais tirer partie de ses richesses et de ses talents, qui sont à la hauteur de ceux de la BBC ou de la radio publique suédoise.”

Si la réforme de l’audiovisuel public, demandée par Emmanuel Macron, s’annonce d’ores et déjà complexe, c’est un défi qu’il compte, selon lui “relever avec l’enthousiasme qui le caractérise”. “On est dans une période de bascule sociétale et technologique. Il y a un défi de réinvention des médias qui est à la fois immense et passionnant. Moi, ce que je veux, c’est une présidence de mobilisation de tous les talents, et faire de Radio France un groupe transmédia de référence et inspirant.”

Christophe Tardieu

Dans cette course au poste de président, le nom de Christophe Tardieu n’avait jamais été évoqué jusqu’à ces derniers jours. Âgé de 54 ans, ce haut fonctionnaire occupe la fonction de directeur général du Centre national du cinéma (CNC) depuis quatre ans. S’il n’a jamais exercé de fonction en lien direct avec la radio, Christophe Tardieu connait bien le monde de la culture.

Cet ancien inspecteur des douanes a notamment été directeur adjoint de l’Opéra de Paris (entre 2010 et 2014) et a travaillé durant trois ans (de 2004 à 2007) au château de Versailles sous la direction de Christine Albanel. Sa rencontre avec l’ex-ministre de la Culture et de la Communication de Nicolas Sarkozy le conduit ensuite rue de Valois où il devient directeur adjoint de son cabinet ministériel. Il y supervise plusieurs projets de loi emblématiques de la présidence Sarkozy notamment la loi controversée anti-piratage Hadopi. Après le départ de Christine Albanel, il rejoint l’inspection générale des finances là où il avait commencé sa carrière.

Dans son projet, Christophe Tardieu assure être conscient des “forces de Radio France”. “La première d’entre elles est son identité, en tant que radio publique […] Si je suis choisi, je serai très vigilant à maintenir et accroître cette force”, écrit-il. La seconde: le pluralisme de ses équipes. “Ma première action sera naturellement de veiller à préserver ce capital humain et ces compétences exceptionnelles”. Christophe Tardieu envisage par ailleurs plusieurs évolutions pour le groupe radiophonique, comme mettre davantage en avant la chanson française et développer la place des langues régionales sur les antennes de France Bleu.

L’Express n’a pas réussi à joindre Christophe Tardieu.

Sibyle Veil

Dans les couloirs de Radio France, son nom n’a cessé de revenir ces dernières semaines. Sibyle Veil, tout juste 40 ans, y occupe la fonction de directrice déléguée en charge des opérations et des finances. Actuelle numéro deux de la Maison ronde, elle était jusqu’ici l’un des bras droit de Mathieu Gallet.

C’est au printemps 2015, juste après le vaste mouvement de grève, que cette diplômée de Sciences po Paris et de l’ENA – comme Emmanuel Macron elle est issue de la promotion Senghor – débarque au sein de la radio publique après avoir exercé plusieurs postes haut placés, sans rapport avec la radio. Sur son CV figure notamment la fonction de conseillère “travail, santé, logement et solidarités” à l’Elysée sous l’ère Sarkozy, puis celle de directrice du pilotage de la transformation de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Son projet pour Radio France s’articule autour de plusieurs grands objectifs notamment l’élargissement et le renouvellement des publics, de l’offre et de l’audience des chaînes parlées ou encore l’évolution de l’offre musicale des chaînes de Radio France qui doit, selon elle, faire l’objet d’une “réflexion partagée”.

Depuis trois ans, Sibyle Veil, qui n’a pas souhaité répondre auprès de L’Express, supervise le gigantesque chantier de Radio France. Une position qui pourrait jouer en sa faveur si le CSA décide d’opter pour la continuité.

Source https://www.lexpress.fr/actualite/medias/qui-veut-prendre-la-place-de-mathieu-galet-a-la-tete-de-radio-france_1994099.html

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