Chez Mobipel, centre d’appels de l’opérateur, 60% des salariés sont partis ces trois dernières années. Les élus veulent faire reconnaître un plan social par la justice.

Les pratiques en matière de droit social de l’opérateur Free commencent à être connues… En septembre dernier, l’émission de France 2, Cash Investigation avait montré la tension extrême qui régnait chez Mobipel, l’un des cinq centres d’appels d’Iliad, sa maison-mère. Le reportage dénonçait notamment un nombre très élevé de licenciements pour faute grave au sein du groupe.

“En épluchant les conseils de prud’hommes de toute la France, nous avons essayé d’avoir des chiffres globaux. C’est très difficile de savoir exactement combien il y a de cas car il y a un très grand nombre de filiales mais nous avons constaté un taux élevé de licenciements pour faute grave, qui permettent de ne pas payer d’indemnités, ni de préavis. Et encore, il ne faut pas oublier que tous les salariés des centres d’appel n’ont pas le réflexe, ni les moyens financiers de saisir les prud’hommes. J’en ai rencontré plusieurs qui avaient renoncé”, racontait alors Sophie Le Gall, la journaliste en charge de l’enquête.

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Ce travail de longue haleine a été poursuivi par Le Parisien, qui, dans son édition du lundi 5 février, revient sur ces “étranges licenciements” pratiqués dans cette filiale de Free. L’article avance le chiffre de 315 licenciements en trois ans dont 266 pour fautes grave. En clair, en seulement trois années, 266 salariés, la plupart des téléconseillers ou des managers, de Mobipel auraient fait l’objet de sanctions disciplinaires. “Soyons clairs, c’est absolument astronomique”, résume Anousone Um, délégué syndical SUD-Télécom depuis 2014 chez Mobipel.

“Il n’y a pas d’échelle de sanctions”

Le cabinet d’expert-comptable Alter s’est, à la demande du comité d’entreprise, penché sur la santé du site et sur la gestion des effectifs. Il a épluché les lettres de licenciement afin de définir les motifs qui revenaient le plus souvent pour justifier ces fautes graves: 47 départs l’ont été pour absence injustifiée, 57 pour “absence injustifiée et abandon de poste”, 13 pour “absence injustifiée et retard”, 13 pour désorganisation du service par absences répétées suite à des arrêts maladies, 31 pour fraude technique et 7 pour motifs variés, allant de l’insulte à la perte de contrôle avec un abonné. Pour Anousone Um, ces explications sont, pour la plupart, incompréhensibles. “Un salarié qui est absent plusieurs fois dans un même mois et fournit un certificat médical ne peut pas être licencié pour désorganisation du service, par exemple, c’est contraire au droit du travail.” D’autant qu’à en croire les travaux du cabinet Alter, “il ne semble pas y avoir d’échelle de sanctions” chez Mobipel. Or, rappelle le cabinet: “C’est la nature des faits qui doit dicter la nature de la procédure et le degré de gravité de la faute et aucune autre considération.”

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Autre fait aggravant: le groupe ne semble pas toujours respecter les obligations en vigueur en matière de licenciement. “Seuls 11 licenciements ont été précédés d’une mise à pied conservatoire et 48 d’entre eux n’ont été précédés ni d’une mise en demeure, ni d’un avertissement et ce, quelle que soit la gravité du motif évoqué”, détaille le rapport. Entre les départs contraints, les démissions et le non remplacement des partants, l’entreprise a connu une baisse “drastique de ses effectifs en trois ans” confirme le rapport d’experts: – 60%. Aujourd’hui, Mobipel ne compte plus que 266 personnes.

Le cabinet dénonce également un très fort turn-over et un taux d’absentéisme chaque année supérieur à 10%, soit deux fois plus que la moyenne national dans le privé. Et supérieur aux autres sites du groupe Iliad. Enfin, le cabinet cite les résultats d’une étude de satisfaction au travail qui établit que seuls 45% des salariés de Mobipel se disent contents de leur lieu de travail, quand les autres centres d’appel affichent des taux de satisfaction d’au moins 60%.

“1 million d’euros d’économies en ne payant pas les indemnités”

Pour les experts, on assiste là, à “un plan de compression des effectifs non officialisé (…) qui confirmerait la thèse de certains représentants du personnel selon laquelle la direction chercherait par toutes les solutions individuelles possibles à contourner son obligation de mettre en oeuvre une procédure collective qui l’obligerait à mettre en oeuvre des mesures coûteuses puisque proportionnelles aux moyens du groupe.”

Si plus de dix départs ont lieu en un mois, tout groupe doit ouvrir un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Mais Free ne l’a pas fait. Selon l’avocat de quatre anciens salariés cité par Le Parisien, le groupe a fait de sérieuses économies en matière d’indemnités et de préavis en se passant d’un plan collectif. On approcherait même du gain de “1 million rien qu’en préavis”, assure le conseil.

Le comité d’entreprise compte bien, par la voix de son avocate, intenter un recours en référé devant le TGI dans les prochaines semaines, afin de faire reconnaître la réalité du plan social et de contraindre la direction à maintenir les effectifs. À terme, c’est certainement vers Iliad qui affiche de solides résultats – 2,46 milliards d’euros de chiffre d’affaires – que les attaques devraient se porter.

Pour Anousone Um, la stratégie du groupe de Xavier Niel est très claire: la maison-mère est en train de créer les conditions de la mort de sa filiale. “Les objectifs fixés sont impossible à tenir, les effectifs sont en chute libre, donc sans moyens, il paraît évident que le chiffre d’affaires et donc l’entreprise vont couler… Mais ils veulent faire des économies quoiqu’il en coûte”, dénonce l’élu syndical. Contacté par mail, le groupe Free a assuré que les “éléments présentés dans les articles ne reflétaient pas la réalité” et a promis de s’exprimer rapidement sur la question.

Source https://lentreprise.lexpress.fr/rh-management/droit-travail/pour-faire-des-economies-free-multiplie-les-licenciements-pour-faute-grave_1982315.html

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