La chose est connue : quand le peuple gronde contre des réformes, il faut, disent les politiques, “faire de la pédagogie”, “expliquer, toujours plus expliquer” et ça finira bien par passer. Ce jeudi, sans grande surprise, donc, Emmanuel Macron s’est appliqué à faire le service après-vente de sa politique auprès de cette France périphérique qui, il y a un an, ne s’était pas offerte à lui avec autant de facilité que celle des métropoles. Et qui, depuis, ne semble toujours pas convaincue.

Le retour du “premier de cordée”

Le décor collait parfaitement à l’exercice : le cours de macronisme était délivré aux téléspectateurs de TF1 depuis une salle de classe de CE2 de Berd’huis, petite commune de l’Orne d’à peine plus de 1 000 habitants. Mise en abyme, mise en scène, mise en perspective… Le dispositif aurait pu concourir aux “Pilhan d’Or“. Reste à savoir ce que retiendront les “élèves”, installés devant leurs écrans, de cette heure et quart passée sur les bancs de l’école Macron.

Une partie d’entre eux reproche au chef de l’Etat d’aller trop vite ? Ce n’est pas sa faute, réplique le locataire de l’Elysée, “c’est le monde qui va trop vite !” Et d’inviter à nouveau le pays à monter à bord du grand train de la modernité, à s’accrocher même, pour ne pas se laisser distancer par les fameux “premiers de cordées” car, explique-t-il, “si ceux du bas n’avancent pas, personne ne tient”. Qui a lu l’écrivain-explorateur Roger Frison-Roche sait, certes, que le dernier de cordée, dans une ascension, a autant d’importance, sinon plus, que celui qui progresse en tête. Mais la métaphore est-elle si pertinente ? Depuis quelques décennies, en France, les riches ont bel et bien avancé sans que les pauvres ne soient aucunement tirés vers le haut. Le président n’a d’ailleurs pas dit comment il entendait changer cet état de fait autrement que par l’incantation métaphorique montagnarde. Qu’importe. Car le macronisme est en quelque sorte un optimisme du mouvement. Et Macron aimerait que celui-ci soit communicatif. Hélas pour lui, la France hors des villes aspire, non pas à plus de mouvement, mais au contraire à un peu de permanence et de protection.

La limitation à 80 km/h, oui… pour l’instant

Voilà peut-être pourquoi la limitation à 80 km/h sur le réseau routier secondaire a tant de mal à passer dans ces territoires. Emmanuel Macron, tout en jugeant cette mesure “utile”, a annoncé envisager son arrêt si jamais, d’ici deux ans, les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Seule concession faite à cette partie du pays. Car pour le reste, il ne compte pas changer d’un iota. La réforme ferroviaire ? Il veut “aller au bout”, insistant au passage, une nouvelle fois, sur ses origines amiénoises et le passé de cheminot de son grand-père paternel. Les petites lignes ? Bien sûr, elles seront maintenues, assure-t-il. Et la SNCF “restera un grand service public”, prenant l’exemple de la Poste. Voilà qui ne devrait pas rassurer les Français des champs qui, depuis l’ouverture du marché du courrier suite à une directive européenne, voient les bureaux de poste fermer les uns après les autres. Avec des conséquences politiques parfois inattendues. Une note de l’Ifop datée de mars 2016 dévoilait que dans les villes dépourvues d’un bureau, le FN pouvait enregistrer des scores plus élevés de 3,4 points.

Quant à la hausse de la CSG d’1,7 point pour compenser certaines baisses de cotisations salariales ? Là encore, pas de changements. Et Emmanuel Macron de jouer les maîtres d’école : “J’ai demandé à nos anciens un effort”, “je leur dis merci”, “je n’ai jamais pris un retraité pour un portefeuille”, “cet effort, je l’ai annoncé en campagne”, “il n’y a pas de souverain mépris”, “on a besoin de vous”, “attendez le 1er novembre, vous aurez un tiers de taxe d’habitation en moins”, “vous avez financé la retraite de vos aînés”… Mais c’est bien ce dernier point qui pose problème : car si les retraités actuels ont effectivement financé la retraite de leurs aînés, ils ont très bien saisi qu’il leur est demandé, par cette hausse de la CSG, de financer une augmentation du pouvoir d’achat de leurs cadets.

Rien sur le pouvoir d’achat

Au chapitre “pouvoir d’achat” justement, il n’y aura pas non plus de rétablissement de la demi-part fiscale des veuves, alors même que cette mesure était réclamée par certains parlementaires LREM, comme le député de la Vienne Sacha Houlié. Ce n’est pas la première fois que le chef de l’Etat ne retient pas une idée soufflée par son propre camp qui ferait pourtant le bonheur de cette France périphérique. Lors de la dernière Conférence des territoires de Cahors, Emmanuel Macron n’a pas repris à son compte l’idée d’instaurer un moratoire national d’un an sur l’implantation ou l’extension de grandes surfaces à l’extérieur des communes. Pourtant, dans les villes petites et moyennes, le spectacle offert est désolant : les commerces de proximité aux rideaux de fer baissés et aux vitrines passées au blanc de Meudon se multiplient.

Résultat de cette heure de cours passée sur TF1 ? Pédago, le professeur Macron l’aura été, sans aucun doute. Mais convaincant ? La France périphérique a peut-être eu le sentiment qu’il lui a été raconté, pour reprendre le terme du président lui-même, des “carabistouilles”.

Source https://www.lexpress.fr/actualite/politique/la-lecon-a-la-france-des-champs_1999685.html

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