Difficile de développer un blog sur l’autisme Asperger sans aborder le sujet des spécificités liées au genre assigné à la naissance. Beaucoup d’infographies, beaucoup d’idées, beaucoup de listes tournent sans références, sans étude où chacun, chacune peut se reconnaître. Il me semblait pertinent de faire un point de l’état des connaissances scientifiques à ce sujet. Aussi vous trouvez la mienne, à la fin de l’article.
Comme je le fais sur chaque sujet, je souhaite présenter des études et ce afin de maximiser le bien-être de chacun(e), celui-ci en contient une vingtaine. Le triptyque sera le suivant : une première partie généraliste sur l’autisme et le genre, une seconde pour reprendre les études qui ont présidé à la réalisation de l’infographie et enfin une dernière pour proposer quelques préconisations pour mieux diagnostiquer les personnes autistes.
I) Autisme et genre
Depuis les années 2000 et même un peu avant la question du genre est entrée dans la santé, que ce soit pour étudier les facteurs biologiques, ou pour évaluer en quoi les rôles sociaux, les représentations influent sur les diagnostics et les accompagnements. Ainsi, à titre d’exemple, il est établi que les femmes sont moins bien accompagnées dans les maladies cardio-vasculaires, les symptômes étant généralement pris plus tardivement et les femmes moins bien accompagnées après la crise cardiaque : http://circres.ahajournals.org/content/118/8/1273
Mais revenons à l’autisme. L’autisme est un ensemble de diverses conditions neurodéveloppementales impliquant un fonctionnement différent, il est évalué cliniquement ainsi :
Il me semble important de rappeler que l’autisme n’est ni une identité, ni quelque chose à arborer fièrement ou honteusement, c’est une condition neuro-développementale non choisie. J’ai choisi de répondre à deux questions centrales :
« Existerait-t-il un autisme au féminin et un autisme au masculin ? »
Il existe un spectre de l’autisme où hommes et femmes ont une place qui peut varier selon le profil de chacun. Aujourd’hui faute de test biologique, ce qui est évalué cliniquement par les outils cliniques l’ADOS pour le présent et l’ADI pour le passé ainsi que d’autres tests sont les manifestations de l’autisme, les symptômes en somme : Au commencement était le diagnostic (première partie). Aussi les femmes comme les hommes aujourd’hui doivent répondre aux mêmes critères, ceux explicités plus haut. En l’état, il n’existe pas d’autisme au masculin ou d’autisme au féminin, il existe un spectre où chacun a des spécificités différentes qu’il convient de mieux étudier pour pouvoir mieux diagnostiquer et accompagner.
« Puis-je être autiste sans être positif aux tests passés dans les CRA ? »
Des points doivent être soulignés :
- L’autisme inclut un ensemble de symptômes. Une symptomatologie partielle n’est pas suffisante pour poser un diagnostic
- L’altération doit être significative pour causer des difficultés dans la vie quotidienne
- Les caractéristiques de l’autisme se retrouvent dans la population typique : https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/207441et https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4428126/
- Il existe une notion qui semble plus ou moins abandonnée, celle de phénotype élargi, Laurent Mottron la décrit ainsi dans son livre une autre intelligence « les parents mais aussi les frères et les sœurs d’une personne atteinte, présentent fréquemment (pas de manière systématique toutefois) des aspects du phénotype élargi de l’autisme. Elles sont vraisemblablement porteuses d’une fraction de l’anomalie génétique reliée au TED TSA pour simplifier), mais celle-ci ne produit chez eux qu’un tableau mineur, en général compatible avec une vie sociale sans support et avec une vie familiale. » Bien que la vie sociale et familiale ne soient pas incompatibles avec l’autisme, cette notion me parait assez pertinente :
https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnins.2016.00346/full - Il est possible que certaines personnes avec un accompagnement adapté puissent sortir des seuils autistiques, toutefois l’ADI devrait les mettre en évidence (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24328352)
- Enfin dernier point, il existe sans doute un autisme invisible pour les tests mais en l’état s’il n’est pas accessible dans le passé de la personne, faute de test biologique pouvant le caractériser, le diagnostic n’est pas reconnu.
II) Une reprise de l’infographie
Pour bien comprendre l’infographie voici le tableau des spécificités étudiées, elles ne représentent qu’une moyenne souvent évaluée sur un faible échantillon. Bien des femmes se reconnaîtront du côté des hommes pour certaines caractéristiques.
Par ailleurs, des études contradictoires viennent parfois contredire, ainsi 2 études sur 3 font état de fonctions exécutives plus en retrait chez les hommes que chez les femmes et une autre dit le contraire. En l’état, j’ai préféré ne pas évoquer cela, c’est pourquoi il est sans doute notable que ce que j’écris au temps T pourra être révisé au temps T+1.
III) Bibliographie
Malheureusement et c’est aussi pourquoi j’écris un livre, je ne peux développer toutes les études sinon la longueur rendrait les informations illisibles. Je souhaite en faire la liste exhaustive pour que chacun puisse les consulter. Les études soulignent l’état actuel de la science, elles peuvent être remises en cause, et d’ailleurs dernièrement une étude soulignait les difficultés sociales plus importantes chez la femme.
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25717130
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3945617/
- http://www.scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S1516-44462006000500002&lng=en&nrm=iso&tlng=en
- https://molecularautism.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13229-016-0073-0
- https://www.researchgate.net/publication/283 875832_Autism_spectrum_disorder_ASD_in_girls_Co-occurring_psychopathology_Sex_differences_in_clinical_manifestation
- http://www.jaacap.com/article/S0890-8567(14)00725-4/fulltext
- https://rd.springer.com/article/10.1007/s12264-017-0102-9
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28188687
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26360578
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20422277
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27874266
- https://doi.org/10.1177/1362361316687987
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4131130/
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24705124
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24581740
- https://rd.springer.com/article/10.1007/s10803-012-1656-z
Bien entendu, il serait possible, même souhaitable de tenir compte des différences de l’autisme pour pouvoir mieux adapter les tests. Comme je viens de l’expliquer, il convient toujours de prendre avec nuance des études qui ne cessent de recenser des spécificités contradictoires.
IV) Conseils
Malgré tout, voilà ce qui me semble pertinent notamment pour le diagnostic des personnes autistes et particulièrement des femmes autistes :
- Ecouter les personnes autistes quand elles décrivent leur existant. Les personnes autistes sont souvent peu écoutées par les professionnels particulièrement les femmes et même parfois font l’objet de moquerie : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24221816
- Le recouper avec des éléments objectifs de leur vie, par exemple rupture sociale, professionnelle.
- Privilégier l ‘ADI sur l’ADOS, en effet l’ADI recherche les développements atypiques dans la petite enfance, avant la compensation. Ce témoignage pourra être celui de frères, sœurs, voisins en l’absence des parents
- Adapter les questionnaires sur les intérêts restreints, les stéréotypies en fonction des spécificités reconnues par chacun : rituels pour les femmes, hypersensibilité, intérêts particulièrement atypiques pour les hommes et tendance à l’hypo-sensorialité.
- Ne pas oublier les conséquences désastreuses d’un accompagnement inadapté ou d’une mauvaise reconnaissance du diagnostic de certaines personnes notamment des femmes. Certains diagnostics bien posés peuvent permettre à des femmes (et aussi à des hommes) de retrouver un sentiment d’efficacité personnelle ( https://aspieconseil.com/2017/11/14/sentiment-defficacite-personnelle/) et de pouvoir mettre en place des compensations : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24221816
- Si une personne n’est pas autiste, il est important de proposer un accompagnement et des préconisations réelles, car si la personne réalise une démarche diagnostique c’est qu’elle est en difficultés. Une procédure de parfois 3 ans ne doit pas conduire à un simple « oui » ou « non » mais aussi à de l’aide concrète.
V) En conclusion
A l’heure où le spectre est désormais unifié dans un continuum, il me parait peu pertinent de le cliver. Toutefois ne pas tenir compte des spécificités peut amener à un sous-diagnostic, ou à de mauvais diagnostics. Plusieurs études montrent que les hommes et les femmes qui sont accompagnées de façon retardée, sont plus sujets à la dépression et à l’anxiété (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24328352).
Malgré tout, si des subtilités sont mises en évidences, qu’il convient de connaitre, les ressemblances demeurent fortes et ne justifient pas un clivage dans le spectre. J’espère que l’infographie et les études permettront de mieux identifier votre profil, qui bien souvent peuvent être des tendances masculines et féminines au sein même d’une personne. Ce lien (cartographie) permettra aussi peut-être de mieux identifier vos particularités. Plus un profil est bien identifié et meilleur sera son accompagnement.
Merci à Adeline Lacroix pour son excellent travail, merci à Julia, à Letty, Mathilde pour leurs relectures.
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Source http://blogs.lexpress.fr/the-autist/2018/02/23/lautisme-a-lepreuve-des-specificites-liees-au-genre-site-aspie-conseil/