Dès l’ouverture de son procès, à Bruxelles, l’unique survivant du commando djihadiste du 13-Novembre a choisi de ne répondre à aucune question. Après avoir longuement justifié son silence.

Salah Abdeslam a parlé, mais pour ne rien dire. Au premier jour de son procès, à Bruxelles, l’unique survivant du commando djihadiste du 13-Novembre a choisi de ne pas répondre aux questions de la présidente de la 90e chambre correctionnelle du tribunal belge. Il est jugé en compagnie d’un complice, Sofien Ayari, pour sa participation à une fusillade ayant blessé trois policiers, le 15 mars 2016, à Forest (commune de Bruxelles). Ce jour-là, un troisième djihadiste, Mohamed Belkaïd, se “sacrifie” pour protéger la fuite de ses deux complices.

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Le procès, prévu initialement pour durer quatre jours, s’est ouvert peu avant neuf heures, sous très haute sécurité: des blindés militaires sont garés le long du palais de justice, des soldats et des policiers patrouillent, tandis qu’un hélicoptère en vol stationnaire surveille les alentour. Une effervescence qui tranche avec le mutisme sélectif du principal accusé devant la cour.

Devant la présidente, Abdeslam reste assis: “Je suis fatigué”

Car, pour justifier son silence, Abdeslam s’est largement exprimé. “Je ne souhaite répondre à aucune question”, débute le prévenu, veste de survêtement claire, pantalon noir, arborant des cheveux mi-longs gominés et barbe fournie sur un visage légèrement empâté. Dans un premier temps, il refuse de se lever pour s’adresser à Marie-France Keutgen, la présidente. “Je suis fatigué”, souffle-t-il, avec un léger accent belge, avant de consentir à quitter son banc. Salah Abdeslam, 28 ans, fait maintenant face au tribunal. Un policier encagoulé se tient à moins d’un mètre de lui, pour parer à toute éventualité.

– Pourquoi avez-vous accepté de venir si vous ne voulez rien dire?, lance la magistrate.

– Parce qu’on m’a demandé de venir. Je suis l’acteur de ce procès. Mais je garde le silence: c’est mon droit. Ce silence ne fait pas de moi un coupable…”

Les relances courtoises de la présidente ne vont rien y changer.

“Dans ce procès, il y a des preuves tangibles, scientifiques. Je souhaite qu’on n’agisse pas ici par ostentation, pour faire plaisir au public ou aux médias”, reprend Abdeslam, pour souligner qu’aucune trace de son ADN n’a été retrouvée sur les deux fusils d’assaut de type Kalachnikov utilisés contre les policiers le 15 mars 2016.

Un “réquisitoire” contre le tribunal

Puis il se lance dans une longue déclaration, manifestement apprise par coeur, et débitée sur un ton neutre. Un véritable “réquisitoire” contre le système judiciaire. “Je constate que les musulmans sont traités et jugés de la pire des manières. Pour eux, il n’y a pas de présomption d’innocence”, affirme-t-il, laissant entendre qu’il ne serait qu’un fidèle parmi d’autres, injustement traité.

Il prononce alors, en Français, la shahada, la profession de foi musulmane: “Je témoigne qu’il n’y a point d’autre divinité qu’Allah et que Mohamed est son prophète.” Une manière pour lui de récuser la légitimité du tribunal. “Je n’ai pas peur de vous, ni de vos alliés, ni de vos associés. Je place ma confiance en mon seigneur”, poursuit Salah Abdeslam, en s’adressant cette fois directement à la juge Keutgen. Ce seront ces derniers mots. Il est onze heures et quart et le procès semble déjà se refermer. La présidente annonce une suspension d’audience.

Son complice soupçonné d’avoir tiré sur les policiers

Deux heures plus tôt, Sofien Ayari, 24 ans, le co-accusé d’Abdeslam, s’est montré à peine plus loquace. Passé dans les rangs de l’Etat islamique, en Syrie, ce djihadiste tunisien planqué avec Salah Abdeslam et un troisième terroriste dans l’appartement de Forest, est soupçonné, lui, d’avoir également tiré sur les policiers, avant de s’enfuir. Des traces de son ADN ont notamment été retrouvées sur un fusil d’assaut de type Kalachnikov abandonné durant leur fuite. Ayari, barbe fournie, sweat-shirt gris et pantalon noir, élude les questions trop précises: “Je ne sais pas”, “Je ne souhaite pas revenir là-dessus.” Quand il est en difficulté, il se tourne vers l’interprète pour répondre en arabe.

“Le fusil d’assaut que vous avez abandonné dans votre fuite a tiré à huit reprises. Comment pouvez-vous l’expliquer?, demande la présidente du tribunal.

– Je suppose que Belkaïd a tiré dans un premier temps avec un fusil, puis avec l’autre, propose Ayari.

– Et votre ADN sur la poignée, le chargeur et la détente de l’arme?

– Je suis resté longtemps dans l’appartement. Il est possible que je l’ai touchée avant (les tirs).

– Qu’avez-vous fait après avoir quitté l’appartement ? Vous avez dit lors d’une audition: Salah m’a conduit chez un cousin…

– Je ne veux pas revenir sur ces détails.”

L’audition tourne court. L’après-midi est consacrée aux réquisitions de la procureure générale et à l’audition des parties civiles. En attendant, dans la salle voisine d’où la presse peut suivre les débats, l’écran continue de diffuser des images. Le son est coupé. Devant le prétoire, Abdeslam et son avocat, Me Sven Mary, ont un entretien “privé”. Deux policiers encagoulés se tiennent à proximité. L’avocat fait de grands gestes face à un Salah Abdeslam, immobile. Symbole de ce procès otage du silence.

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